Il peut geler, il peut dégeler (‘het kan vriezen, het kan dooien’, dicton néerlandais), on peut dire n’importe quoi à propos de la « crise énergétique ». Prenons La Libre d’aujourd’hui : « La crise énergétique sera résolue en 2025, peut-être même en 2024 ».
« Les flux de gaz russe vers l’Europe se sont quasiment arrêtés. Selon S&P Global, plus rien n’est arrivé via la mer Baltique et la Biélorussie en janvier, tandis que les flux via l’Ukraine et la Turquie ont été minimes. Les livraisons de gaz russe sur le marché européen sont plus de 90 % inférieures à leur niveau d’avant la crise. »
Ah, tiens voilà que De Standaard, à peine deux semaines plus tôt (4-5 février 2023), titre que la guerre booste l’importation de gaz russe à Zeebrugge. Je traduis : « Durant la même période (= l’année passée), le terminal de gaz naturel liquéfié (ou lng, de l’anglais liquefied natural gas) de Fluxys à Zeebrugge a connu un véritable boom. Le gnl qui arrive par bateau remplace le gaz russe transporté par gazoduc. Dans les cinq réservoirs de stockage que le gestionnaire du réseau gazier possède à Zeebrugge, le gnl provient du Qatar, des États-Unis et de Russie.
L’année dernière, 28 % de plus de gnl russe qu’en 2021 est arrivé dans notre pays, a calculé l’organisation environnementale Greenpeace sur la base des données d’Eurostat. En termes absolus, il s’agissait d’une augmentation de 5,54 millions de mètres cubes de gnl à 7,08 millions. Selon les données de la Banque nationale de Belgique, les importations de gaz naturel russe sur une période de sept mois (mars-octobre 2022) se sont élevées à 1,6 milliard d’euros, indique Greenpeace dans un rapport. »
Soit, rien n’est sûr bien sûr avec les Russes, et La Libre d’avertir « que l’approvisionnement mondial pourrait être menacé par une perturbation imprévue de l’offre (catastrophe naturelle, panne, sabotage, …). On soupçonne d’ailleurs la Russie de vouloir saboter des infrastructures énergétiques en mer du Nord. »
Le reportage du journaliste états-unien Seymour Hersh (How America Took Out The Nord Stream Pipeline), qui démontre d’une manière assez convaincante que ce sont des plongeurs de la marine états-unienne qui ont saboté les pipelines Nord Stream et Nord Stream 2, il ne plait peut-être pas à la rédaction de La Libre ? Et le blog de Caitlin Johnstone, où elle collectionne des déclarations de la part de responsables politiques états-uniens qui annoncent la mise hors service des deux gazoducs, est peut-être inconnu à La Libre?
Catastrophes naturelles, froid extrême, chocs externes, … La Librecite un expert :« Mais, en cas d’hiver rigoureux, il pourrait y avoir des pics de prix. Ceux-ci seraient toutefois moins brutaux qu’à l’été 2022. Et si la météo devait être douce, le gaz pourrait même être bon marché au cours du prochain hiver. Dans un marché tendu, il peut y avoir de grosses variations de prix, à la hausse comme à la baisse, en fonction de la météo ». Ah oui, les variations de prix en fonction de la météo. Rien à voir avec une crise profonde interne du système capitaliste et d’une guerre en fonction d’hégémonie géopolitique et de contrôle du commerce mondial.
Heureusement, l’Église est prévoyante. Les 15-16 octobre 2022, toujours La Libre signalait que « les évêques de Belgique ont publié ce vendredi une déclaration au ton grave : ‘Soyons aussi parcimonieux que possible avec l’énergie à la maison, au travail et partout où nous nous réunissons. Nous demandons aux personnes en charge des biens de l’Église et aux fabriques d’église d’y porter une attention particulière. Un degré en moins fait déjà une grande différence.’ »
Eh les gens, continuez donc à parler du temps, il y en a d’autres qui s’occuperont du pouvoir et des profits.